C’est après une série de poursuites très médiatisées, ayant secoué le secteur financier à la fin des années 1990 et au début des années 2000, que les entreprises ont commencé à se soucier davantage de la question de la diversité. Ces poursuites et leur règlement ont coûté aux entreprises plusieurs millions de dollars. Or, à Wall Street, il n’y a rien comme l’argent pour encourager à l’action. Ces entreprises, à l’instar de nombreuses autres, n’ont donc pas tardé à mettre sur pied des programmes de diversité, espérant du même coup atténuer leur risque de responsabilité.
C’est ainsi qu’ont vu le jour des programmes comme la formation obligatoire sur la diversité, la formation obligatoire sur les préjugés, les tests d’emploi obligatoires, les systèmes de règlement des griefs et de nombreuses autres approches coercitives.
Voici le problème : un quart de siècle plus tard, la plupart des entreprises ne sont toujours pas parvenues à se doter d’une approche d’apprentissage valable en matière de diversité, et ne sont pas près non plus d’en récolter les fruits. Au contraire, les dirigeants d’entreprise et les défenseurs de la diversité mettent de l’avant une version simpliste, non fondée sur l’expérience, de l’argument commercial en faveur de la diversité. Ils interprètent de façon erronée – ou ignorent carrément – ce que de nombreuses études de recherche ont maintenant établi de façon claire : augmenter le nombre de personnes traditionnellement sous-représentées au sein de votre effectif ne se traduira pas automatiquement, comme par magie, par des bénéfices. Opter pour l’approche « on ajoute un peu de diversité et on remue le tout », tout en poursuivant ses activités commerciales comme d’habitude, ne mènera pas à un accroissement de l’efficacité d’une entreprise ou de son rendement financier.
Certes, les dirigeants d’entreprise ont vraisemblablement les meilleures intentions lorsqu’ils vantent les avantages de l’embauche d’un plus grand nombre de femmes et de personnes de couleur; en revanche, il n’existe aucune étude pour étayer l’idée selon laquelle la seule diversification de la main-d’œuvre entraînerait automatiquement une amélioration du rendement des entreprises.
En fait, dans les entreprises où les questions de diversité, d’équité et d’inclusion sont gérées au sommet, c’est plutôt le contraire que l’on constate : les gestionnaires se rebellent contre les règles établies, souhaitant affirmer leur autonomie. Si l’on tente de me contraindre à faire X, Y ou Z, il y a de fortes probabilités que je fasse tout le contraire, juste pour vous prouver que je suis une personne indépendante. Je me souviens très bien de ma réaction chaque fois que ma mère m’ordonnait de faire mon lit. Même si j’avais envie de faire mon lit, et que j’en avais même l’intention, le fait qu’on me dise de le faire suscitait en moi une vive résistance, une aversion.
La réalité est la suivante : les effets positifs que peuvent avoir des initiatives comme la formation obligatoire sur la diversité durent rarement plus de quelques jours. Certaines études ont même démontré que ces formations peuvent faire naître des préjugés ou déclencher des réactions d’opposition (comme ce que j’ai décrit plus haut). En outre, les tests d’emploi ne sont pas appliqués de manière cohérente (ou ne le sont pas du tout). Enfin, les systèmes de règlement de griefs créent souvent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent, parce que les gestionnaires, au lieu d’adapter leur comportement ou de s’attaquer à la discrimination, tentent de « se venger » des employés qui formulent des plaintes ou de les mettre à l’écart.
Il est bien plus efficace d’impliquer les gens dans l’amélioration de la diversité en milieu de travail, d’augmenter les contacts au travail avec des femmes et des travailleurs issus de minorités, et de promouvoir la responsabilité sociale, tout cela étant justifié par un désir de paraître équitable. Ce n’est pas en blâmant les gens et en leur imposant des règles strictes et des programmes de rééducation que nous obtiendrons leur appui. Les gestionnaires n’apprécient pas qu’on les empêche d’embaucher les personnes de leur choix.
Les dirigeants ont quatre priorités : instaurer la confiance et créer un lieu de travail où les gens se sentent libres de s’exprimer; lutter activement contre les préjugés et les systèmes d’oppression; accueillir une variété de styles et de voix au sein de l’organisation; enfin, s’appuyer sur les connaissances et les expériences liées à l’identité des employés pour apprendre comment accomplir au mieux le travail fondamental de l’entreprise.
Les entreprises doivent maintenir une culture de l’apprentissage dans laquelle tous les efforts vont dans le même sens, et où il est entendu que les dirigeants n’ont pas toutes les réponses lorsqu’il s’agit de déterminer comment tirer parti d’une plus grande diversité raciale et de genre dans les équipes et dans l’ensemble de l’organisation. Les dirigeants doivent véhiculer le message selon lequel des points de vue diversifiés, d’une importance cruciale, ne doivent pas être supprimés au nom de la cohésion du groupe.
Il faut, dans les entreprises, créer davantage de possibilités de formation volontaire sur les préjugés inconscients, la diversité et l’inclusion. Offrir cette formation sur une base volontaire est préférable, car cela suscite un état d’esprit positif. « J’ai choisi moi-même de m’inscrire à cette formation; de toute évidence, je suis en faveur de la diversité », au lieu de « Mon entreprise m’oblige à suivre cette formation, je vais donc me contenter de suivre la vague ». La formation polyvalente est un autre excellent moyen de sensibiliser les gens à la diversité. Donnez aux gens l’occasion d’essayer d’autres emplois afin d’approfondir leur compréhension de la nature interconnectée des différentes fonctions. Cela a également un impact positif au chapitre de la diversité, car on encourage ainsi les gens à faire la connaissance d’autres collègues.
Une autre idée qui fonctionne assez bien, en plus de la formation polyvalente, consiste à intégrer des personnes occupant différents postes et fonctions – et issues d’origines diverses – dans des équipes autogérées pour résoudre des problèmes ou s’attaquer à des questions particulières. Une telle collaboration, avec un objectif commun, favorise une meilleure compréhension et une plus grande acceptation, ce qui a pour effet d’appuyer la diversité.
Les entreprises, au moment de recruter de nouveaux employés, ont tout à gagner en ciblant les femmes et les membres de minorités. Les recherches démontrent que les gestionnaires invités à participer aux programmes de recrutement dans les collèges et les écoles secondaires le font volontiers, avec une grande ouverture d’esprit, étant donné que le message est le suivant : « Aidez-nous à trouver une plus grande variété d’employés prometteurs, à partir d’un bassin plus important de candidats ». Lorsque les gestionnaires s’impliquent activement dans la promotion de la diversité dans leur entreprise, on constate des résultats tangibles. Ils commencent à se percevoir, en quelque sorte, comme des champions de la diversité.
Les programmes de mentorat et de parrainage sont parmi les moyens les plus efficaces d’accroître la diversité dans une entreprise. Il faut savoir que les femmes et les membres de minorités ont plus souvent besoin de l’aide offerte dans le cadre de programmes officiels de mentorat et de parrainage que les hommes de race blanche, qui sont plus susceptibles de chercher un(e) mentor(e) par leurs propres moyens. S’il est vrai que les gestionnaires sont souvent réticents à rechercher des candidats au mentorat de leur propre initiative, ils sont cependant, de manière générale, tout à fait disposés et désireux d’encadrer les personnes qui leur sont assignées. Les femmes et les membres de minorités ont tendance à privilégier les programmes de mentorat plus structurés, par rapport à une recherche autonome à cet égard.
En guise de conclusion, l’argument simpliste selon lequel les entreprises peuvent améliorer leur rendement et rendre leurs employés et leurs clients plus satisfaits ne suffit pas pour susciter un véritable changement. Il est toutefois possible de mettre de l’avant la diversité de façon convaincante en apportant trois modifications essentielles. Premièrement, les énoncés vagues doivent céder la place à des conclusions solides, fondées sur des données empiriques. Deuxièmement, les dirigeants d’entreprise doivent abandonner l’idée selon laquelle la maximisation du rendement financier est primordiale, en adoptant au contraire une vision plus large du succès qui englobe l’apprentissage, l’innovation, la créativité, la flexibilité, l’équité et la dignité humaine. Troisièmement, les dirigeants doivent reconnaître qu’un accroissement de la diversité démographique n’améliore pas, en lui-même, l’efficacité; ce qui compte, c’est la manière dont l’organisation exploite la diversité et sa volonté de remodeler sa structure de pouvoir.
Cordialement,
Doug Dougherty
PDG
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